Entre le mardi 17 mars et le lundi 11 mai, J’ai été confiné, comme l’ensemble des français, à mon domicile. Privé de la plupart de mes commandes et de mes activités, j’ai essayé de réaliser quotidiennement quelques photographies, pour garder une trace de ce moment très particulier que nous avons vécu. A l’heure où j’écris ces lignes cette expérience que nous pensions unique pourrait se reproduire à l’occasion d’une seconde vague épidémique qui semble se profiler en cet automne. A suivre…
Dernier jour de confinement. Même si je sais que demain ressemblera furieusement à hier, c’est un cap que nous allons collectivement franchir. Pour marquer la fin de ce journal de confinement, plutôt qu’une nouvelle photo prise dans la rue, j’ai photographié ma télévision, en particulier les images de fin de vieilles VHS qui traînent depuis des lustres dans la commode. L’image est moche, brouillée, un peu comme moi après les 55 jours de cette épreuve.
Dernier week-end de confinement. On en profite, comme le week-end dernier, pour continuer la peinture dans le salon. Le soir nous avons une visio-réunion de famille avec un cousin de mon père qui vit à Palo Alto, en Californie. Je ne sors pas de la journée.
Aujourd’hui, j’avais une commande pour le journal Le Monde. Un portrait à réaliser d’une étudiante en médecine qui donne un coup de main dans un EPHAD à Tremblay en France. En attendant l’heure du rendez-vous, je fais quelques photos du monument aux morts de la première guerre mondiale. Puis vient le portrait. En rentrant, un bug sur mon logiciel de post-production me fait craindre le pire pour mes photos. On dirait qu’elles sont passées à la moulinette de Matrix. Heureusement, un peu plus tard les choses rentrent dans l’ordre. Restent ces étranges photos.
J-5. C’est la dernière ligne droite. Je veux continuer l’exercice jusqu’au bout. Ce n’est pas pour autant une grande excitation pour la fin du confinement car j’ai l’intuition que le déconfinement va beaucoup ressembler à ce que l’on vit depuis plusieurs semaines. Mais j’irai tout de même jusqu’au 11 mai. Aujourd’hui une virée express vers le métro Hoche à Pantin, à 2 pas de chez moi. Certains magasins, jusqu’ici fermés, ont ouvert. Il y a beaucoup plus de monde que d’habitude dans la rue.
Encore un chiffre rond. 50… comme les 50 ans fêtés cette année. Un cinquantième anniversaire que nous devions fêter avec mes amis d’enfance lors du dernier week-end du mois de mai. Depuis hier, cette réunion que nous attendions tous depuis l’an dernier est annulée. La faute à l’état d’urgence sanitaire, la faute au virus. Après mon livre, mon portfolio dans l’OBS, le festival d’Arles, c’est encore un morceau de cet avenir proche qui s’évanouit. No future…
Aujourd’hui, pour changer, je décide de retourner à Romainville voir si des choses ont changé sur le site de la future base de loisirs, là où se trouvait mon bois sauvage il y a encore 2 ans. Une ouverture dans la palissade me permet de rentrer sans problème. A l’intérieur quelques détails montrent une petite avancée du chantier, qui est à l’arrêt depuis le début du confinement.
Dernier jour à Courlon. Retour au Pré St Gervais cette après midi. Nous laissons mon père à nouveau seul chez lui.
Je suis toujours à Courlon, dans l’Yonne, chez mon père. C’est reposant la campagne mais je crois que je n’aurais pas tenu 6 semaines ici. Je reste un citadin indécrottable.
Aujourd’hui, pour la première fois depuis six semaines je sors de Paris. Avec Raphael nous allons voir mon père qui est seul chez lui, dans l’Yonne depuis le début du confinement. Nous devons l’aider dans les démarches administratives consécutives au décès de son épouse, le 13 mars dernier. Beaucoup de documents à transmettre par voie électronique, ce qui n’est pas une mince affaire pour lui.
Pas de photos ou presque aujourd’hui. Pas mal de choses à faire à la maison et il pleut. Je commence à ressentir une certaine lassitude. Je sais que d’autres photos viendront les prochains jours.
Petite baisse de régime aujourd’hui. Pas très envie de faire des photos. Je ne sors pas. Le soir, Zoé et Simon font leur séance de sport pas tout à fait quotidienne. Ça fait longtemps que Geneviève et moi avons renoncé à y participer, surtout après dîner, trop fatiguant.
J’ai failli laisser tomber aujourd’hui. Aucune envie de retourner faire des photos. En plus la lumière n’était pas terrible. J’ai l’impression de faire une course de fond, avec ces moments pendant lesquels on a envie de s’arrêter de courir. Et puis on se dit qu’on a déjà fait plus que la moitié, que c’est bête de finir maintenant… Alors on continue, en se disant qu’un second souffle va arriver.
Je pars me balader près du canal à Pantin, pour changer un peu d’environnement. Des photos différentes se proposent. Je rentre satisfait à la maison. En fin de journée, vers 20h30, un incendie se déclare près de chez moi, rue Emile Zola.
Comme tous les dimanches, je sors moins dans la rue que les autres jours. C’est peut-être à ça que je distingue ce jour des autres dans cette période de confinement. Une façon inconsciente d’essayer de donner du rythme à ces étranges semaines ? Je ne suis pas très satisfait des 2 photos d’aujourd’hui. Je décide de ne pas les publier.
Allez, encore 3 semaines avant la quille…
Il y a des jours comme ça où il faut se forcer pour aller chercher les photos. J’aurais peut-être préféré traîner dans le canapé et regarder un truc à la télévision. Il fait encore très beau dehors et je me dis que c’est dommage de gâcher une telle lumière. Je fais quelques détours en sortant du Monoprix où je devais faire une petite course. J’ai peur que le sachet de légumes surgelés décongèle dans mon sac à dos. Je ne m’éternise pas.
Aujourd’hui, alors que je sors faire quelques courses, mon fils m’accompagne. Simon n’est pas sorti de la maison pendant pratiquement trois semaines. Cela ne semble pas lui manquer. La lumière de ce début de printemps est toujours aussi graphique, les images continuent de s’offrir assez facilement.
Le Président a parlé ce soir. Le 11 mai nous sortirons en théorie de cette période de confinement. Nous serions donc à mi-chemin. Il reste encore beaucoup d’incertitudes mais au moins cette visibilité sur les prochaines semaines. Le journal continue.
Dimanche de Pâques. Pas de photos aujourd’hui. De la lassitude, sans doute. Je ne suis pas sorti de la maison. Je commence à trouver le temps long, à voir se répéter jour après jour, semaine après semaine les mêmes choses, les mêmes sorties, les mêmes courses, les mêmes passants avec leurs masques. Peut-être sommes nous juste au milieu de ce confinement, de cette épreuve. C’est difficile de n’être pas capable de se projeter un minimum dans l’avenir. L’obligation de vivre au présent, au jour le jour.
vg